La plupart des scènes religieuses peintes par Bruegel mettent peu en avant les acteurs principaux de la scène, souvent perdus dans le paysage (Fuite en Egypte) ou dans une foule (Portement de Croix, Dénombrement de Béthléem...). La Vierge, le Christ et les autres personnages semblent le plus souvent anonymes. L'Adoration des mages (1564, huile sur bois, 112.1 x 83.9 cm, National gallery de Londres) que nous allons étudier constitue une remarquable exception. Ici, la Vierge et son enfant sont bien le centre d'attention, ils sont représentés en gros plan, dans un cadre très serré.

 


L'adoration des mages est un thème très en vogue. L'épisode est narré par Saint Matthieu (2.1). Trois mages venus d'Orient se seraient rendus auprès du Christ pour lui apporter des cadeaux et l'adorer. En chemin, ils rencontrèrent Hérode, qui souahitait vivement éliminé ce nouveau roi (Massacre des Innocents). Le roi leur demanda de lui dire où se trouvait l'Enfant s'ils le découvraient, prétendument pour l'adorer à son tour. Mais sur le chemin du retour, un songe les avertit de ne pas obéir à cet ordre. Toutes ces péripéties sont rarement relatées dans les tableaux. Seule subsiste la scène de l'adoration. Les mages, richement vêtus, offrent des cadeaux à Jésus, généralement niché sur les genoux de sa mère.

 

Adoration des mages, Jérôme Bosch, Musée du Prado, Madrid

 


Dans ce tableau, Bruegel ne déroge pas aux grandes lignes de cette tradition picturale. Mais cette Adoration est la seule qu'il ait ainsi peint en gros plan. On trouve, en effet, d'autres versions où la scène se déroule dans un cadre beaucoup plus vaste. Elle reste centrale dans la version conservée aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique alors qu'elle est moins visible dans l'Adoration des mages dans un paysage d'hiver (Oskar Reinhart Collection) : dans ces deux dernières versions, on retrouve le point de vue très personnel que Bruegel adopte pour la représentation des scènes religieuses.

 


L'Adoration étudiée ici n'est pas pour autant conformiste. Si Bruegel accepte le cadre général qu'offre la tradition picturale, c'est pour mieux briser d'autres règles. La plupart de ces personnages semblent être de véritables caricatures. Bruegel n'est pas le premier peintre flamand à refuser l'idéalisation des personnages. Mais il est un des premiers à appliquer aussi sévèrement cette mode aux personnages sacrés. Il nous offre un spectable irrévérencieux particulièrement réussi.

 

 

Introduction

1 - La composition et les couleurs

2 - La Sainte Famille

3 - Les mages

4 - Les curieux